Petit matin

De imagina
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(100523)

Il y avait un corps à côté du sien, elle sentait sa chaleur, entendait sa respiration. Il était là et elle était dans ses bras, nue, allongée sur l'herbe. Il n'était qu'une ombre contre laquelle elle se sentait si bien qu'elle aurait voulu s'enrouler dedans. Elle souriait. La nuit, qui commençait à s'estomper, avait laissé le souvenir de sensations qui la rendait heureuse. Elle ouvrit les yeux. Elle voulait voir son visage, le regarder dormir. Elle était si près, qu'il fallait reculer un peu et trouver un angle pour que la lueur de l'aube chasse sa propre ombre du dormeur et révèle des yeux, une bouche... Une terrible angoisse lui glaça tout le corps et fit tout à coup disparaître tous les souvenirs agréables de sa nuit. Ce n'était pas ses yeux à lui, ce n'était pas sa bouche à lui qu'elle vit un bref instant dans les brumes qui s'étendent entre le sommeil et la veille. C'était un inconnu.

Mais les brumes se dissipèrent très vite. Elle ouvrit tout à fait les yeux et vit que celui qui faisait tant battre son cœur était pourtant bien là. Il dut sentir son angoisse depuis ses rêves car il la serra contre lui comme pour l'apaiser. Epine s'agrippa alors à lui comme un coquillage à son rocher et chassa les dernières volutes de mauvaises pensées qui s'attardaient pour ne plus goûter que l'instant présent. Elle se rendormit.

Elle était toujours nue, allongée sur l'herbe quand elle rouvrit à nouveau les yeux. Le jour était tout à fait levé. L'herbe gardait la trace d'une autre présence, mais elle était seule. Elle s'étira longuement, de toutes ses forces, et resta un moment comme ça, allongée, à se remémorer cette nuit. Toute cette Lumière qui avait jailli d'elle et dans laquelle ils s'étaient baignés tous deux, et ces étranges flammes qui avaient légèrement brûlé l'herbe autour d'elle, tout cela lui donnait une impression étrange, une sensation de contentement mêlée d'une autre, moins agréable, qu'elle ne comprenait pas car elle ne l'avait encore jamais connue : la culpabilité.

Elle se leva, fit quelques pas vers l'arbre pour s'y adosser. Elle regardait l'espace qui leur avait servi de lit. Elle regardait aussi en elle même, tenta de comprendre cette nouvelle sensation quand le souvenir d'un mauvais rêve lui revint à la conscience. Ce n'était pas lui qui était là dans ce rêve. Mais qui était-ce ? Comment un inconnu pourrait-il se glisser dans ses bras pendant son sommeil, même en rêve ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Epine grimaça et chassa vite ces idées en se levant pour aller ramasser ses vêtements et se rhabiller. De façon très animale, ou très adolescente, comme on veut, elle s'agenouilla sur la couche pour y sentir une dernière fois l'odeur de la nuit. Puis elle se releva, regarda le ciel bleu en inspirant profondément une bonne bouffée d'air frais et invoqua son griffon blanc sur lequel elle s'envola dans le ciel du matin.



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