Les shank
Notes de voyage sur Yoma - I - Les shank
Parlons des shank !
Parlons des shank !
J’avoue que je ne serais pas vraiment impartial. Les shank sont celles que je préfère, même si les grelank me fascinent aussi. Les shank m’ont, sans le savoir, donner l’envie de connaître leur monde et c’est par l’une d’entre elles que j’ai pu y pénétrer : Baatu. Cette très jeune shank m’a offert une porte grâce à son esprit et je crois que ce n’est pas vraiment un hasard. Nous le verrons plus loin. Il est encore des choses que je ne peux révéler au risque de vous faire fuir, vous, lecteur fragile, prêt à crier à l’hérésie à la moindre donnée qui pourrait bouleverser vos valeurs établies depuis… on ne sait quand, ni par qui. Si moi j’ai pu m’engager dans un processus de transformation, ce n’est probablement pas votre cas... Enfin, pour l’instant !
shank signifie "qui bouge", ou "qui voyage". C’est la branche nomade des yomank. Les shank sont restées très proches de la nature et refusent la vie sédentaire. Pour elles, l’agriculture et l’élevage sont des aberrations indignes de Coyanis, leur déesse principale, celle de la chasse. Ainsi, les shank vivent un certains temps sur un territoire, tant que le gibier et les ressources qui leur sont nécessaires y sont abondants. Puis elles partent ailleurs avant d’avoir épuisé totalement ces ressources pour qu’elles se régénèrent et pouvoir ainsi y revenir plus tard. La communion entre les shank et leur milieu naturel est ce qui fait leur force et ce qui a empêché leur extinction quand, dans leur histoire, une partie des yomank ont décidé de se fixer et d’exploiter leurs ressources sur place, même si celles-ci venaient à manquer. Pour les shank, l’attitude de ces sœurs sédentaires, devenues les grelank, est une trahison, un manque évident de sagesse, une hérésie impardonnable.
Même si la culture shank peut aussi être très raffinée, elle ne s’est jamais éloignée des traditions les plus ancestrales prônant une vie simple et sage. Leur communion avec Musha est telle qu’il est souvent difficile de les voir avant qu’il ne soit trop tard et que vous vous retrouviez criblé de leurs flèches ou de leurs lances. Une shank, même très jeune, peut survivre très longtemps seule dans la forêt dont elle apprend à faire partie intégrante dès sa naissance.
Leur économie est basée sur le troc, l’échange de nourriture, et d’objets manufacturés telles que des armes ou des objets utiles pour la vie quotidienne. Elles ne cherchent pas à posséder des biens ou à accumuler des trésors. Toutes ces choses sont un handicap quand on voyage et les shank préfèrent donc rester légères. Elles échangent aussi beaucoup de services et sont animées d’un très profond esprit d’entraide et de partage et elles ne connaissent pas la misère. Il n’y a quasiment aucun échange avec les grelank. Il serait même dangereux de le faire. J’ai toutefois eu vent de marché noir entre des grelank et des shank moins regardantes mais je n’ai pu en avoir aucune confirmation.
Elles vénèrent principalement Coyanis, la déesse de la chasse et l'andondance à qui elles offrent toujours une part de leurs chasses et de leurs cueillettes. Musha est également très présent dans leur vie mais elles ne le considèrent pas comme un dieu. Musha est l’esprit de la nature végétale qu’elles ont tendance à considérer aussi comme une manifestation magique de Coyanis. En effet, les chasseresses ont un rituel très particulier qui consiste à "fusionner avec Musha". Il s’agit en en fait d’un état dans lequel elles se mettent pour entrer en osmose avec leur environnement et augmenter leurs perceptions sensorielles. C’est un état mystique qu’il est très difficile de décrire, ne pouvant moi-même pas le vivre. Mais l’observation de certaines chasseresses d’élite telle que Poohia, la cheffe des Korias dont Baatu était la favorite, m’a permis de l’entrevoir. Nous en reparlerons plus tard. Il est aussi à noter qu’elles utilisent la même expression – "fusionner avec Musha" – lorsqu’elle atteignent l’orgasme lors d’un acte de reproduction avec un pipayü.
Leurs autres divinités sont très nombreuses. À la manière des peuples paganistes de notre monde, toutes les manifestations de la nature sont provoquées par des esprits comparables à nos démons. Elles respectent aussi Ayomid mais ont une certaine forme de rancune envers elle dans la mesure où elles l’accusent d’avoir laissé les grelank se couper de la véritable nature de la vie. Dans la mythologie de Yoma, Ayomid a effectivement été faible face à Xohtos qu’elle a laissé faire pour une raison qui n’est pas vraiment expliquée. Car Ayomid était, toujours d’après la mythologie, la déesse principale de toutes les yomank au temps d’avant la fracture.
Les shank sont belles, naturellement. Elles circlent presque nues, ne cherchant pas à briller avec des artifices. Les quelques bijoux ou ornements qu’elles portent ont toujours un sens mystique ou sentimental. On les dirait constamment en train d’effectuer des rituels tant leurs gestuelles est emprunte de sérieux et de justesse. Elles se réunissent souvent pour honorer Musha ou un autre esprits par le chant. Alors s’élève dans les profondeurs de la forêt leurs voix solennelles mélangées à des rythmes soutenues par des percussions puissantes, entremêlées de sons d’instruments à vents et à cordes qui feront l’objet d’une étude ultérieure. Entendre ces cérémonies sont des expériences des plus extraordinaires que j’ai connues au cours de mes voyages. Chez les shank, la culture n’est pas gratuite. Elle a toujours un sens et leur permet de renforcer leur communion avec leur monde, Yoma, le père universel. Ce qui ne les empêche pas de se divertir souvent par la danse ou des chants narrant des épopées épiques de leurs aïeules autour du feu, dans des soirées qui se prolongent parfois très tard dans la nuit.
Comme pour les grelank, nous n’aborderons pas tous les détails de la culture des shank qui est trop complexe, et sans doute encore plus mystérieuse. Nous les découvrirons à travers les récits des aventures de certaines d’entre elles. Mais je vais quand même, avant de clore ce chapitre, en expliquer quelques éléments importants afin de que le lecteur puisse mieux comprendre les raisons des querelles qui déchirent ces deux branches d’un même peuple.
Le sens de la justice est aussi très profond chez les shank mais leur manière de l’appliquer est très différente. Il n’y a pas de gros village shank, ce qui facilite bien les choses. Quand une shank commet un délit ou un crime – ce qui n’est pas du tout courant - ses sœurs l’amènent devant la cheffe du village pour lui expliquer les faits. Si la responsable reconnaît ces faits, la sentence est immédiatement appliquée avec l’accord de la cheffe. Sinon, après avoir écouté tous les avis des présentes, la cheffe détermine les responsabilités selon son intime conviction et applique la peine sans délai. Il n’y a pas de code pénal. Les peines requises sont imaginées au moment du jugement et peuvent être plus ou moins sévère selon la gravité de la faute et personnalité de la cheffe. En vérité, il y bien moins d’erreurs judiciaires avec cette procédure simple car être cheffe n’est pas une quête de richesses ou de pouvoir pour les shank. C’est une responsabilité assumée dans l’intérêt général de la communauté. On devient cheffe parce qu’on le mérite. On exerce donc cette fonction avec beaucoup de sérieux et de reconnaissances envers celles qui lui ont accordé leur confiance.
Poohia est une de ces cheffes très respectée non seulement par sa tribu, mais par toutes les shank de Yoma. Sa renommée pourrait l’apparenter au niveau d’une reine dans notre culture terrienne mais les shank n’ont pas de reine officielle. Elles trouvent la cohésion de le système sociale dans leur harmonieuse relation avec Musha, la nature, dont elles s’inspirent toutes pour en établir les règles. Elles ne font qu’une avec leur environnement et, pour elles, vivre dans une ville, comme une grelank est vivre en prison. Elles n’ont que du mépris pour le mode de vie de leurs sœurs ennemies. Heureusement, Yoma est assez grand pour contenir ces deux civilisations sans que l’une ne risque d’exterminer l’autre.
Les shank sont donc des chasseresses hors pair. On peut noter une chose assez surprenante : Leur langage ne connaît pas le mot "guerre". En fait, l’acte guerrier n’a aucun sens pour elles. Sauf en cas exceptionnel, pour des raisons de justice, pour sauver l’une des leurs ou pour se défendre d’une invasion, elles ne partent jamais en guerre contre les grelank. Quand elle se battent, elle chassent. Une grelank n’est ni plus ni moins qu’un gibier. Les affrontements directs sont rares car les shank appliquent les mêmes règles de chasse aux grelank que pour la chasse aux animaux sauvages et elles tombent le plus souvent sur leurs victimes sans que celles-ci n’aient le temps de comprendre comment c’est arrivé. Je seule différence est qu’une grelank est un gibier qui ne se mange pas. Quand l’une d’elles est tuée, les shank la laisse se dessécher sur place pour nourrir Musha. Quand l’une d’elle est capturée vivante, à moins qu’elle n’ait commis un crime grave, les shank lui proposent de vivre avec elles et d’adopter leurs traditions. Sinon, elle est tuée. Dans ces cas là, les shank peuvent se montrer très cruelles. Elle ne chercherons pas à faire souffrir leur ennemie pour le plaisir mais elles sont sans état d’âme, sans pitié, quel que soit l’âge ou les offres de la victime. Il arrive parfois que des grelank acceptent à contrecœur la proposition uniquement par crainte de la mort mais, ne supportant pas ce nouveau mode de vie qu’elles considèrent comme un avilissement, elles tentent de s’évader et sont presque toujours reprises et tuées immédiatement. Cela explique que les grelank n’ont que très peu d’informations sur les shank et ne les jugent que sur la base de légendes et de superstitions entretenues par celles qui les gouvernent.
Un dernier point important de la culture shank est celui du mysticisme. Il est bien moins visible et plus mystérieux que celui de grelank qui se perdent bien souvent dans de grandes cérémonies pompeuses. Les shank sont bien plus discretes dans leurs pratiques religieuses et ont développé une forme de technologie faites de petits rituels individuels ou collectifs proches de ce nous désignons, nous terriens, sous le terme générique, souvent péjoratif, et sans doute abusif de "magie". Une shank ne fait jamais rien sans auparavant prier un dieux ou un esprit dans le but d’être aidées dans pour la réussite de son action. Et il faut bien le reconnaître, ça marche très souvent. Je n’émettrais aucun avis à ce sujet. Je laisserai le lecteur se faire sa propre opinion sur les faits que je me contenterai de relater dans ce livre.